Alors que les projecteurs des Game Awards ont braqué toute la lumière sur Clair Obscur: Expedition 33, il y a un jeu que je n’ai jamais lâché des yeux. Un jeu qui m’a littéralement collé à la peau, bien après avoir posé la manette. Hell is Us. Ce titre qui n’a pas eu droit aux grands discours sur scène, pas de standing ovation, pas de pluie de trophées. Mais qui, à titre personnel, m’a mis une claque comme peu d’expériences cette année. Une claque douce-amère, pleine de sens, de silences, de violence contenue. Une claque de celles qui vous réveillent, sans même hausser le ton. Et le jeu ne sera même pas cité une seule fois durant les Game Awards 2025.
Le malaise comme miroir de notre époque
Ce qui m’a frappé avec Hell is Us, ce n’est pas une mécanique de gameplay géniale, ni un twist scénaristique renversant. C’est ce sentiment d’inconfort, permanent, presque viscéral. Comme si chaque recoin du jeu nous soufflait à l’oreille que quelque chose ne tourne pas rond. Et pas juste dans son univers, non. Dans le nôtre aussi. Les thèmes abordés, la manière de les mettre en scène, sans surligner, sans tutoriel pour les émotions. Vous êtes là, au milieu du chaos, à essayer de comprendre ce qui se passe, à donner du sens à ce qui n’en a parfois aucun. Le jeu vous laisse seul face à vos décisions, face à vos non-décisions aussi. Il vous laisse surtout avec ce que vous êtes venu y chercher, sans le dire.
Et cette ambiance, cette réalisation brute, presque austère, elle m’a rappelé à quel point on a besoin de jeux comme ça. Des jeux qui ne cherchent pas à séduire à tout prix. Qui ne vous lancent pas des « regarde comme je suis stylé » à chaque cinématique. Hell is Us n’est pas là pour plaire. Il est là pour remuer, jusqu’aux musiques proposées et qui renvoient à une ambiance façon « X-Files » / années 90.
Hell is Us Game Awards : un jeu qui récompense la curiosité et l’attention
Hell is Us, c’est un peu comme ces vieux RPG où l’on ne vous disait jamais où aller, mais où l’exploration était une récompense en soi. Ici, pas de carte qui clignote, pas de journal de quêtes avec 42 objectifs à cocher. À la place, vous avez vos yeux, vos oreilles et votre mémoire. C’est un pari risqué, mais qui fonctionne à merveille quand on accepte de jouer le jeu. Fouiller chaque recoin, observer les détails du décor, tendre l’oreille à la moindre phrase prononcée… tout devient source de progression potentielle.
Et c’est là que le jeu touche à quelque chose de rare : il vous fait confiance. Il ne vous infantilise jamais. Il ne répète pas trois fois les choses pour être sûr que vous avez bien compris. Il vous laisse libre, parfois au risque que vous passiez à côté de certains éléments. Mais quelle satisfaction quand vous trouvez une réponse par vous-même, simplement parce que vous avez été attentif ou que vous avez pris le temps de réfléchir. C’est un sentiment qu’on avait un peu perdu dans le jeu vidéo moderne, trop souvent axé sur l’assistanat et la simplification.
Cette approche donne à l’aventure une saveur unique. On joue différemment. On ralentit. On observe. On prend des notes. On se souvient d’un lieu étrange visité deux heures plus tôt et on y retourne pour tester une idée. Et quand ça marche, quand le jeu vous répond sans avoir rien dit, juste parce que vous avez bien joué votre rôle de joueur… c’est magique. Hell is Us n’est pas juste un jeu, c’est un dialogue silencieux entre le développeur et vous.
Clairement, l’absence du jeu aux Game Awards avec aucune nomination est à mes yeux injuste mais pas non plus totalement incompréhensible. Le jeu reste beaucoup trop niché, beaucoup trop poussé dans la réflexion et ces codes ne correspondent plus à ce qui est aujourd’hui vraiment mis en avant durant ces évènements. Il n’a par ailleurs pas rencontré le succès médiatique et populaire escompté.
Une cohérence artistique au service du propos
Dès les premières minutes, Hell is Us donne le ton : ce ne sera pas un jeu qui cherche à en mettre plein la vue, mais un jeu qui veut dire quelque chose. Et ça se ressent jusque dans sa direction artistique. Le choix de ne pas surcharger visuellement l’écran, de garder des décors parfois dépouillés, parfois brumeux, parfois oppressants, renforce cette sensation de solitude face à un monde brisé. Ce n’est pas toujours « beau » dans le sens next-gen du terme, mais c’est toujours juste. Toujours au service de l’univers.
L’univers justement, parlons-en. Chaque lieu visité a une ambiance propre, une logique dans son architecture, une histoire qu’on peut deviner à travers les ruines, les affiches déchirées, les documents abandonnés. Il faut lire, lire, et encore lire, ce qui est un bonheur quand on aime la lecture et la belle écriture (ce qui est le cas ici). On sent que tout a été pensé pour raconter quelque chose sans forcément le dire. Et c’est cette cohérence qui donne autant de poids à l’exploration. On n’est pas dans un décor de carton-pâte. On est dans un monde qui a vécu, qui saigne encore, et qui murmure ses secrets à ceux qui prennent le temps de l’écouter.
Même les ennemis participent à cette logique. Leur design, leur comportement, leur lien avec les thématiques du jeu… rien n’est laissé au hasard. Hell is Us aurait pu tomber dans le piège du bestiaire tape-à-l’œil, mais il préfère rester sobre, inquiétant, symbolique. Et c’est ce qui rend chaque rencontre marquante. On ne les affronte pas juste pour looter un objet. On les affronte parce qu’ils incarnent quelque chose. Parce qu’ils font partie de ce monde, et que pour avancer, il faut leur faire face.
Hell is Us Game Awards : mon GOTY, sans hésitation
Alors oui, j’ai vu les éloges mérités autour de Clair Obscur: Expedition 33. Oui, j’ai adoré certains passages, certaines idées, certaines prises de risque. Mais entre les deux, c’est Hell is Us qui reste, malgré son absence aux Game Awards. Celui qui gratte sous la peau, celui qui me fait encore réfléchir à ce qu’il a voulu dire. Ou ne pas dire. C’est un jeu de l’époque. De notre époque. Et pas seulement parce qu’il parle de guerre, de vérité, de frontière. Parce qu’il le fait sans artifices, sans mise en scène hollywoodienne. Parce qu’il vous prend au sérieux. Et ça, mine de rien, c’est rare.
Je ne dis pas que c’est un jeu parfait. Je dis juste que c’est celui qui m’a le plus marqué cette année. Parce qu’il ose l’inconfort. Parce qu’il ne cherche pas à tout expliquer. Parce qu’il n’a pas peur de déplaire. Et dans une industrie qui veut constamment séduire, divertir, caresser dans le sens du poil, ça fait du bien. Alors non, Hell is Us, on ne t’oublie pas. Et pour ma part, tu restes au sommet même si personne ne parlera de toi aux Games Awards.




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