La poussière volait dans les rayons du soleil, découpant la pénombre d’un entrepôt oublié. Sur une étagère bancale, entre deux boîtes en carton rongées par l’humidité, je l’ai trouvé. Un disque Blu-ray. Pas un artefact ancien, pas une idole en or, non. Un simple jeu sur le disque, censé contenir un jeu moderne. Sauf qu’en le glissant dans la console, le piège s’est refermé. Le contenu n’était pas là. Il fallait tout télécharger.
Encore un leurre. Encore une relique creuse. Et derrière cette mascarade, une vérité que personne n’ose regarder en face : les éditeurs font des économies de bout de chandelle en sacrifiant le support physique, croyant faire une bonne affaire… alors qu’ils sabotent eux-mêmes leur trésor.
Article à lire sur le ton d’Indy dans Indiana Jones et la dernière croisade.
Jeu sur le disque : un euro pour les perdre tous
« Ce n’est pas la taille du disque qui compte, c’est ce que vous mettez dessus », dirait Sallah avec son sourire en coin. Et pourtant, les éditeurs choisissent systématiquement le disque le plus petit, même quand le jeu déborde largement des 50 Go offerts. Pourquoi ? Pour économiser quelques centimes. L’écart de coût entre un BD50 et un BD100 ? Moins d’un euro.
Un euro ! Un euro pour garantir que le jeu fonctionne sans connexion, pour éviter les mises à jour massives, pour offrir une expérience complète dès l’ouverture de la boîte. Mais non. À la place, on nous sert des disques amputés, qui vous balancent illico vers une mise à jour de 90 Go. Comme si vous déclenchiez un mécanisme en touchant la mauvaise dalle. Vous avez choisi…bien mal.
Et ce n’est pas une lubie d’aventurier fatigué. C’est une donnée industrielle. Les coûts de fabrication, même pour les disques de grande capacité, sont marginaux à l’échelle d’un jeu AAA. Les budgets de développement flirtent avec les centaines de millions, et pourtant, ce sont quelques dizaines de milliers d’euros que l’on tente d’économiser sur les disques.
C’est comme si le musée décidait de ne pas sécuriser une relique inestimable pour économiser sur la serrure. Incompréhensible.
Les faux dieux de la rentabilité
Quand on interroge certains éditeurs, leur discours est bien rodé. Comme les prêcheurs d’un culte oublié, ils récitent leurs litanies : le BD100 serait fragile, la validation technique plus longue, le taux de rejet plus élevé… Et puis, il faut faire vite, sortir le jeu maintenant, patcher plus tard. Une stratégie de la hâte.
Rien de tout cela n’est vraiment rentable à long terme. Car si l’économie sur le pressage est immédiate, les coûts cachés se multiplient. Les fichiers à héberger, la bande passante pour les mises à jour, l’infrastructure réseau à maintenir… Tout cela coûte bien plus cher que les quelques centimes grattés sur le disque. C’est l’équivalent numérique de construire un temple en torchis pour abriter une relique sacrée.
Et ce n’est pas tout. Le trésor qu’ils perdent le plus, c’est la confiance des joueurs. Celui qui ouvre une boîte pour découvrir un disque vide n’achètera pas la prochaine les yeux fermés. Il se méfiera. Il attendra. Il passera peut-être au téléchargement direct, trouvant moins hypocrite de ne rien recevoir du tout plutôt qu’un leurre en plastique. Et quand la confiance disparaît, les ventes suivent. C’est une leçon que même Belloq aurait comprise. Ou alors tout ceci ne s’inscrit que dans un vaste plan pensé par Donovan dans le but de pousser les joueurs vers le démat éternel. Allez savoir.
Le piège légal
Certains éditeurs jouent en tout cas avec le feu. . Car le droit européen ne plaisante pas avec ce genre de pratiques. Selon la directive (UE) 2019/771, le contenu numérique inclus dans un bien physique doit être conforme, mis à jour, accessible, et cela pendant toute la période raisonnable d’utilisation.
En clair : vendre une boîte avec un disque partiel, sans prévenir, et rendre l’accès dépendant d’un serveur, ce n’est pas légal. Ce n’est pas une simple ruse. C’est une non-conformité. Une bombe à retardement. Une aventure juridique prête à exploser au visage de celui qui pensait avoir été plus malin que les lois du temple. C’est à ce moment là que le sol se dérobe sous vos pieds.
Le poids des erreurs
Ce n’est pas une histoire de support. Ce n’est pas une histoire de technique. C’est une histoire de choix. Le choix de respecter le joueur, de valoriser le produit, de bâtir quelque chose de durable. Ou bien de courir après le profit immédiat, quitte à creuser sa propre tombe.
Et ces choix, certains éditeurs les font tous les jours. Ils choisissent la facilité. Ils choisissent la vitesse. Ils choisissent l’illusion du gain, comme s’ils pouvaient échapper aux conséquences.
Mais ils oublient une chose essentielle : ce n’est pas le disque qui est trop cher. C’est la perte de valeur qui est trop coûteuse. Car chaque support mal gravé, chaque jeu lancé à moitié fini, fragilise le lien entre le créateur et le joueur. Un lien fragile, mais sacré. Un lien que l’on ne peut remplacer par des correctifs ou des promesses. Ou uniquement un jeu qui n’existerait que sur le format dématérialisé où la concurrence en termes de visibilité est bien plus farouche et cruelle.
Le dernier sanctuaire
Il reste une voie. Elle est étroite. Elle est risquée. Elle est exigeante. Mais elle mène à un trésor autrement plus précieux : le respect du joueur et la pérennité du jeu.
Imaginez un label Physical Approoved : un jeu sur le disque complet, jouable dès l’insertion. Un jeu terminé, testé, gravé dans le temps. Une boîte contenant non pas une illusion, mais un véritable artefact numérique. Cela a un prix. Mais c’est un prix que les joueurs sont prêts à payer. Pour un objet qu’ils peuvent conserver. Pour une œuvre qu’ils peuvent transmettre.
À ceux qui tiennent encore la carte, qui refusent de suivre la piste la plus facile, qui croient qu’un disque peut être autre chose qu’un emballage : il est temps de retrouver le bon chemin au milieu de toute cette folie.
N’oubliez pas ceux qui hier, vous ont placé là où vous vous tenez aujourd’hui.
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