Remedy nous avait prévenu à la toute fin de Alan Wake 1. « Ce n’est pas un lac, c’est un océan ». Nous étions prévenus mais nous n’étions pas prêts. L’opus de 2010 fait figure de flaque d’eau face au raz-de-marée que représente cette suite. Un jeu d’une puissance évocatrice sans pareille nous invitant sans cesse à frissonner et raisonner. Nous voilà embarqués pour un récit complexe, sur deux axes narratifs , avec deux personnages charismatiques. Si vous aimez les récits d’horreur de Stephen King, le tout emballé dans des bizarreries déstructurées à la David Lynch et savamment rythmés dans un format de série à la True Detectives, vous serez aux anges. (Test Alan Wake 2 Xbox Series réalisé à partir d’une version éditeur.)
Test de Alan Wake 2 : (re)Bienvenue à Bright Falls !
Revoir Cauldron Lake fait son petit effet
L’une des premières scènes nous résume parfaitement ce que Remedy nous réserve dans cette suite ô combien attendue. Nous suivons une voiture depuis une vue aérienne qui rappelle immédiatement Shining de Stephen King. A l’intérieur du véhicule, nous trouvons deux agents du FBI (coucou la série X-Files). Nous les surprenons même à boire de manière synchrone du café, une dégustation dissonante qui rappelle Twin Peaks de David Lynch. De plus, une mention à l’émission Zone X nous rattache directement et subtilement à Alan Wake 2010.
Ainsi, avec simplement cette séquence de quelques minutes, nous savons que nous aurons à faire avec un polar moderne mêlant fantastique et horreur. Et avec des éléments “bizarres » et incompréhensibles à l’instant même où ils nous seront délivrés. Voilà le buffet est dressé, il n’y a plus qu’à déguster sans modération et se dire que nous sommes entre de bonnes mains et surtout de nouveau le bienvenu à Bright Falls.
Les petits moment bizarres et anodins parsèment le jeu. Ici, dégustation parfaitement synchrone de café
Et la suite donne raison à cette première impression. L’enquête policière a priori classique tend très vite vers l’horreur et le thriller, le tout oscillant entre deux réalités… ou deux fictions ? On est paumé d’emblée. Car Alan Wake 2 est extrêmement déroutant, éprouvant et passionnant.
Quel plaisir de pouvoir réambuler dans Bright Falls ! L’occasion de voir de vielles connaissances ?
Surtout que l’on grappille ici ou là des pages d’un roman anticipant parfois les événements. C’est la psychose assurée. De plus, c’est sans compter sur des PNJ hauts en couleur qui parfois teasent des infos. Par exemple la brave Rose du Dinner, que tout le monde pense folle et qui tient des propos effectivement bizarres est en fait l’une des personnes les plus lucides… En tout cas pour le joueur qui connaît son destin dans Alan Wake 1 ! Bref, l’univers est captivant et foisonnant.
C’est un océan !
Quel choc de voir ces personnages si familiers à ce point fatigués
Alan Wake 2 nous propose donc un défi scénaristique de tous les instants. Surtout que Remedy va encore plus loin en convoquant son univers étendu. Le studio finlandais réussit le tour de force d’intégrer le Federal Bureau of Control, Max Payne (sans le nommer comme ça, problème de licence sans doute) pour une expérience fantastique totale.
La région aussi a payé un lourd tribut, l’Amérique des mobile homes devant nos yeux
Et Alan Wake 2 de prendre une dimension ludique supplémentaire : sa rejouabilité. Comme son aîné, il s’apprécie au fur et à mesure des runs, un peu à la manière de Mulholland Drive au cinéma. Indispensable pour parvenir à capter tous les éléments dont certains sont dispensés très tôt dans l’aventure ou même comprendre l’ensemble des enquêtes, et tenants de ce récit hors du commun.
Cet aspect “jeu dans le jeu” apporte énormément de satisfaction et va sans doute occuper les joueurs sur les forums pour une infinité de théories et explications…
La version de New York, façon polar noir, est renversante
J’ai adoré cette suite. Et pourtant la tâche était immense et Remedy a dépassé toutes mes attentes. Alan Wake 2 est supérieur à tous les niveaux. Une réflexion plus poussée de la relation entre artiste et œuvre d’art, plus effrayante, plus cérébrale avec cette histoire-puzzle à reconstituer, plus de fausses pistes…
Pendant les 28 heures qu’il m’a fallu pour boucler l’aventure, je ne me suis jamais ennuyé. Et difficile de trouver un passage creux. Sans doute l’avantage de pouvoir passer de Saga à Alan quasiment quand on le souhaite. L’inventivité et les coups de folie de mise en scène s’invitent sans prévenir dans certains chapitres pour un résultat jubilatoire. On réalise alors que cet opus est vraiment à part… Et il nous tient en haleine jusqu’à la fin grâce à son récit qui se dévore et conclut son propos de manière sombre et satisfaisante…tout en laissant quelques pistes pour des DLC.
C’est un raz-de-marée
Le métro. Passage obligé et avec messages (pas trop bien) cachés
Dans ce survival horror à la troisième personne, le semblant d’ouverture des environs de Bright Falls est assez illusoire. Alors oui, les trois régions sont un régal à explorer, avec cette impression unique de vivre un épisode d’X-Files. Par contre, si jouissive soit l’aventure, force est de constater sa linéarité. Saga ne peut pas se tromper dans ses investigations, elle aboutit forcément à la conclusion attendue.
Alan, lui, subit les variations du livre dont le récit est en constante réécriture. Cette impression de linéarité est tout de même atténuée par la possibilité de basculer entre les deux personnages à quasiment tout moment.
Ambiance pesante garantie. Et, oui, on dirait un tableau.
Beau et fluide, Alan Wake 2 tient techniquement la route. Par contre, les combats sont juste corrects, avec des ennemis peut être plus rapides que dans le premier opus, mais toujours très limités. Par ailleurs, on se retrouve à affronter encore les mêmes possédés en chemise à carreaux ou en polo bleu (j’exagère à peine). Néanmoins, Saga et Alan ont toute la panoplie pour se sortir de tous les traquenards : esquive, corps à corps, un arsenal rustique mais efficace. Et Alan Wake peut enfin courir plus de 30 mètres sans cracher ses poumons.
Alan Wake 2 est ultraréférencé mais parvient à trouver sa propre identité
Pour information, Alan Wake 2 est intégralement disponible en français. Avec les voix de 2010 en cerise sur le gâteau. Malheureusement, la synchronisation labiale en VF est totalement défaillante. Je suis donc passé en VOST pour plus d’immersion. Mais là encore, des sous-titres absents ou qui restent à l’écran ont quelque peu terni certains passages de l’aventure. Rageant.
Un dernier point concerne un petit syndrome “The Order 1886”. En effet, à certains points, rares mais tout de même, Saga rengaine son arme et il est même impossible de la brandir : on est alors certain que rien ne va nous sauter à la gueule…
Test de Alan Wake 2 : Conclusion
Saga Anderson, en pleine réflexion.
Pour conclure ce test Alan Wake 2, il s’agit d’une très grande réussite, tant artistique que ludique et marquera durablement les esprits. Avec ses allures de mythe moderne du fantastique et de l’horreur, il surpasse son aîné à tous les niveaux en unissant notamment le multivers de Remedy, pour notre plus grand plaisir.
Par son concept unique de deux arcs qui se font écho, son montage en épisode de série TV générique musical en prime, il s’apparente à un objet unique en son genre. Certes, tout n’est pas parfait, mais cela ne pèse que très peu devant le raz-de-marée de plaisir ressenti à parcourir les environs de Bright Falls, torche à la main.
Remedy signe ici une création remarquable, imprégnée d’une passion palpable et d’un désir authentique, transcendant certains impératifs rigides de l’industrie du jeu vidéo. Nos remerciements vont donc à Remedy pour cet accomplissement. Cependant, le distributeur lui, ne mérite pas nos éloges : l’absence de version physique nous prive du plaisir d’offrir le jeu durant les fêtes et / ou de le faire découvrir à ses amis. Incompréhensible et triste.
Il a l’air vraiment bien, je suis deg qu’il soit que en demat 😔, j’espère une version physique ça sortir et j’achète direct