Dire que le développement de Stalker 2 est digne d’un roman tragique est un euphémisme doux amer. Le résultat manette en main suscite le respect et l’admiration pour le travail fourni par GSC Game World. Cette expérience, qui ne renie quasiment pas son passé tout en accordant quelques concessions au jeu vidéo moderne, est unique, exigeante, rude et magistrale. Voilà près de 60 heures que je déambule dans la Zone d’Exclusion sans voir le temps passer, tout en savourant chaque instant, aussi rugueux ou brutal qu’il puisse être. Tout le monde ne sera cependant pas happé par Stalker 2. En cause : des défauts persistants au moment de l’écriture de ce test, dont certains devraient être patchés au fil du temps. Reste que ceux qui se prendront au jeu vivront un FPS old school, généreux en contenu, d’une beauté sauvage et âpre, comme une invitation permanente à la découverte et l’exploration. La quintessence de l’expérience solitaire en somme. Test Stalker 2 réalisé à partir d’une version commerciale Xbox Series X.
Test Stalker 2 : Sortir de sa Zone de confort
Un champ de coquelicot à perte de vue, premier panorama à admirer.
Je vais commencer par un point délicat dans ce Test Stalker 2. Les nouveaux joueurs risquent de rencontrer des difficultés du fait de lacunes scénaristiques et de mise en scène. Certes, rejoindre une licence en cours demande un certain effort, mais il aurait été judicieux d’inclure un rappel des événements et une encyclopédie pour présenter les personnages et les factions. En l’absence de ces éléments, les joueurs devront soit s’adapter, soit chercher des informations en ligne pour comprendre l’historique des personnages de la série. Bien que j’ai rejoué à Stalker 1 lors de sa réédition sur console, je n’étais pas à l’aise avec certains PNJ que je pensais avoir rencontrés dans le premier jeu, mais dont je ne me souvenais plus. Étant donné la qualité du reste du jeu, cela aurait pu être évité.
Je ne vous cache pas que l’ambiance va vite se tendre…
Stalker 2 est un immense monde ouvert. Terminé le patchwork de petites zones du premier épisode. Et le syndrome Skyrim fonctionne à plein tube : l’envie est irrépressible d’explorer et de découvrir ce que cache cet avant poste délabré, cette friche industrielle d’où nous parviennent des échanges de tirs. Quand on commence une mission principale ou même secondaire dans Stalker 2, il est d’ailleurs fréquent de se retrouver à l’opposé de l’objectif, bien des heures après, à explorer une vieille usine car on sait qu’il y a une cache avec des richesses dedans. Et c’est bien là que réside le plaisir du jeu, que cette planque renferme un trésor ou juste de la nourriture. Tomber sur une arme unique ou un mod reste rare et amplifie l’immense plaisir de la découverte.
Reste que ces déambulations sans fin ne facilitent pas à la compréhension du scénario, qui reste pour le coup au second plan si on choisit de profiter du monde ouvert. Cette histoire de vengeance d’un homme trahi, qui va faire son chemin parmi toutes les factions de la Zone se laisse suivre, mais ne déchaîne pas les passions. Pour cela, Stalker 2 dispose de bien d’autres atouts.
Ici, la curiosité est le plus beau des défauts
Les fresques monumentales héritées de l’ère soviétique nous mettent bien dans l’ambiance.
Le monde post apocalyptique de Stalker 2 empeste la rouille et les charognes de mutants. Il est envahi de bandits sans scrupules qui vont vite découvrir que nous ne sommes pas non plus des enfants de chœur. Les factions -pour lesquelles la Zone est un sujet d’étude, une ressource à exploiter ou un sanctuaire à préserver- s’invitent au chaos ambiant.
Tout cela façonne un univers où se mêlent réalisme, surnaturel, science fiction et mysticisme. L’édifice tient extrêmement bien la route. On peut passer des dizaines de minutes à marcher seul, parmi les ruines du monde soviétique, tout juste maintenu en alerte par les crépitements du compteur Geiger. Et puis on va tomber sur une “anomalie”, une lieu mortel mais prometteur pour trouver un artefact. Cela va surtout nous rappeler qu’absolument TOUT est un danger dans Stalker 2.
Les mutants sont coriaces, et ont rarement une tête de porte-bonheur.
La chasse aux artefacts va devenir un jeu dans le jeu. Ces objets octroient des capacités indispensables à la survie de notre Stalker. Ne comptez pas sur des éléments RPG modernes pour améliorer votre personnage. Tuer un mutant, si difficile et dangereux soit il, ne donne pas d’XP ou de points de compétence à dépenser pour courir plus longtemps par exemple. Pour cela il y a les artefacts, et il va falloir les dénicher. Dans la zone, rien n’est donné. La satisfaction en est sublimée.
Un artefact n’est pas loin mais le danger également. Maintenant il faut peser le pour et le contre.
Pas de tour de synchronisation, pas de carte chez les marchands, l’exploration de la Zone se fait à l’ancienne, en ne sachant pas forcément sur quoi on va tomber. Le PDA, la tablette que tout Stalker possède, sera un outil puissant pour se repérer. Les points d’interrogation apparaissent quand on passe à proximité d’un lieu important. On s’aperçoit cependant rapidement que même des lieux anodins et non marqués seront susceptibles de renfermer des caches de butin. Il n’en faut pas plus pour que la curiosité soit attisée comme jamais.
Une immersion totale
Une pluie battante nocturne. Le bonheur quoi.
La curiosité est le maître mot ici. Celle-ci est d’ailleurs souvent synonyme de pillage dans Stalker 2, et le fruit de ce sombre exercice pourra être revendu chez les marchands. L’argent récolté servira à réparer l’armure et améliorer l’arsenal. Si celui-ci paraît bien sommaire au début (avec la sempiternelle AK-47 et un fusil de chasse), toute une panoplie d’armes modernes et dévastatrices nous attendent au fil de l’aventure et feront de notre Stalker un chasseur. Mais l’humilité est de rigueur ici, le joueur pouvant également se muer en proie.
Avec le cycle jour/nuit, les jeux de lumière invitent inlassablement à admirer la Zone
Pendant mes 60 heures de jeu, chaque lieu visité m’a donné l’impression d’être dans l’endroit le plus dangereux au monde. La Zone n’est pas pour autant un parc d’attractions version “dark” de Far Cry ou Fallout. On n’est pas tout le temps sollicité, et le sentiment de solitude est impressionnant.
De même, revisiter les zones du tout premier village de Stalker 1 est une expérience unique, faisant quasiment office de pèlerinage. Je suis retourné dans le tout premier village, j’ai bien sûr été voir ce marchand affreux, sorte de Jabba the Hutt. Plus au sud, j’ai reconnu cet avant poste militaire abandonné, en m’exclamant « Mais je suis venu ici à l’époque ! ». Quel régal que de retraverser ces zones remises au goût du jour, mais conservant l’esprit de la saga.
Ceux qui ont joué au premier Stalker savent où mène cette trappe.
Vous aurez compris que Stalker 2 s’apprivoise difficilement, et demande même à se défaire des codes des mondes ouverts dont nous avons désormais l’habitude. Mais une fois immergé dans cette ambiance, on est complètement happés et il est très difficile de s’arrêter. Il est certain que ce monde ouvert peut paraître lourd. Je pense notamment au système de guides dans certaines villes, onéreux pour pouvoir faire un voyage rapide jusqu’à un autre endroit. Mais à mon sens c’est cette expérience brute, non « prémâchée » comme dans beaucoup de mondes ouverts, qui constitue l’une des forces de Stalker 2. Il me rappelle un peu Red Dead Redemption 2 sur ce point. Excusez du peu. Une des rares concessions est le coffre partagé entre les planques de notre personnage. Mis à part cela, le gameplay de Stalker 2 reste d’une radicalité passéiste pour certains, vintage/old school pour les autres.
La Zone, ce nouveau Far West (ou Far East)
Stalker 2 n’est pas un shooter pur et dur : on ne passe pas son temps à dézinguer tout ce qui bouge. Il est même possible de conclure des missions sans faire parler la poudre et en épargnant des ennemis. La partie gunfight est tout de même convaincante, avec la possibilité de se pencher à gauche ou à droite. Avec la configuration de base, c’est un tour de main à choper par contre.
Les ennemis ici sont nombreux, font très mal mais ne brillent pas par leur intelligence. La furtivité est parfois rompue par des gardes qui ne bronchent par exemple pas quand un de leur collègue est poignardé à deux mètres, donnant lieu à des scènes cocasses. Leur dangerosité une fois alertés compense cependant un peu. D’ailleurs, même avec une bonne armure, les mutants et humains restent des dangers mortels. Il faut aimer en baver.
Sur les cadavres, ou pendant le pillage, on trouve les PDA des ennemis qui renferment les coordonnées de leur butin ou cachettes. Là encore, en plus de la course aux artefacts, s’invite la chasse au trésor plus traditionnelle. Ce qui l’est moins, c’est que ces dernières seront dans des grottes pleines d’acide, ou dans des friches industrielles où la pratique du Parkour sera de mise. Un point qui peut parfois s’avérer frustrant, notre personnage ne s’agrippant pas à toutes les plateformes.
Frustrant : mon personnage refusera de s’agripper. Il faudra que je fasse le tour.
Que ce soit dans l’ambiance, la Direction Artistique et le gameplay, la mort est omniprésente dans Stalker 2. On est bien loin du monde post-apocalyptique parodique d’un Fallout. Les compteurs s’affolent, les monstres hurlent, les factions s’entredéchirent, et nous au milieu de tout ça, nous vivons notre meilleure vie (ou plutôt notre meilleure survie). Le seul regret, pour le moment, est la longueur des temps de chargement quand on relance après un game over.
Encore une vue à couper le souffle.
Après ses patch post lancement, Stalker 2 est tout à fait jouable et satisfaisant. Restent encore quelques « freezes » de quelques secondes. Une goutte d’eau irradiée sur les 60 heures de jeu. Les paysages, les ruines soviétiques, comme en décomposition lente depuis des décennies, laissent de magnifiques moments de contemplation. À quand un vrai mode photo ?
Test Stalker 2 : Conclusion
Sans merci, sans concession, radicale, rude : l’expérience offerte par le monde post apocalyptique de Stalker 2 est sans pareille. Elle peut constituer un obstacle rebutant pour les uns, mais résolument mémorable et addictif pour les autres. Heureusement, GSC Game World n’a pas cédé aux sirènes de certains mondes ouverts modernes au contenu « prémâché », ni aux éléments de RPG pour améliorer notre Stalker. Ici rien n’est donné, il faut l’arracher aux mains encore chaudes des ennemis et faire appel à notre curiosité. Les gunfights sont de bonne facture et eux aussi sans pitié. En plus de l’histoire principale et des quêtes secondaires, la course à l’équipement (et surtout aux artefacts) donne des expéditions mémorables, ainsi qu’un spectacle aussi magnifique que mortel en plein cœur des anomalies.
Si vous aimez en baver, Stalker 2 est fait pour vous, surtout avec les doublages en ukrainien nous plongeant encore plus dans l’ambiance. Vivre en totale immersion et au rythme de la Zone, les sens en alerte au moindre crépitement, explorer encore et encore, avec toujours cette irrépressible envie de tout fouiller, est d’une satisfaction rappelant les grandes heures de voyages dans Skyrim ou Legend of Zelda (dans un tout autre style entendons nous bien). Évidemment, il y a des écueils comme le fait qu’il soit difficilement accessible à ceux n’ayant pas arpenté le premier opus. Pour les néophytes, l’absence de glossaire ou de rappel des événements de 2007 est vraiment dommageable pour profiter de l’histoire, de la riche mythologie de Stalker et de la puissance évocatrice de la Zone d’Exclusion. Pour ma part, c’est déjà LE jeu de cette génération de console (et dire qu’il va se bonifier au fil des mises à jour).
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