Mes souvenirs d’enfance sont principalement ponctués de deux dessins animés : Dragon Ball Z et les Tortues Ninja. Alors que le premier s’évertue presque tous les ans à nous proposer un jeu pas toujours exempt de défauts (hormis les épisodes Budokai il fut un temps), voyons aujourd’hui si les Tortues Ninja sauront mieux faire vibrer ma fibre nostalgique. Kawabunga.
Madeleine de Proust
Été 1994. Alors que je savoure les joies des grandes vacances dans mon Europe de l’Est natale comme tout fils de blédard qui se respecte, je vois ma grand mère arriver chez moi à vélo, avec un petit paquet sous le bras (oui, ma grand mère savait conduire un vélo à une main, et non, elle n’était pas éleveuse de Grizzly). Là, alors que j’attendais un pull moisi comme offrande -comme savent offrir toutes les grands mères qui se respectent-, quelle ne fut pas ma surprise quand je découvris que ce paquet qui m’était destiné renfermait un coffret VHS collector avec plusieurs épisodes des Tortues Ninja (prononcer Ninja kornjače) ainsi qu’une banane à leur effigie.
Là j’en conviens, cela ne parlera pas aux plus jeunes d’entre vous mais sachez qu’à l’époque, c’était la définition même du style, du leust, ou encore du Swagg. Premier coup de foudre. Après, c’était la dégringolade. Achat de véritables tortues d’élevage ( durée de vie : 2/10). Confection de Nunchaku dans le plus pur style Michelangelo avec une laisse pour chien et 2 rondins de bois (oeil au beurre noir : 9/10). Squattage acharné de Tortues Ninja Turtles in Time sur Super Nes (barres de rire entre potes : 10/10). Bref, les Tortues Ninja, c’était mon premier grand amour de jeunesse. Imaginez bien que j’attendais ces retrouvailles vidéoludiques non sans une pointe de nostalgie.
Premier contact avec le jeu : je constate sur la jaquette que le design de mes chères tortues a été remanié. Mouais. Le vieux con que je suis voulait retrouver son design originel, son esprit 90’s très marqué, ses tons pastels un peu cradingues. Là non, on me sert des Tortues « New Generation », avec kit Blutooth à l’oreille et des gueules « humanoïdes » assez dérangeantes. Bon, je vais arrêter de faire le vieil imbécile et me dire qu’il est légitime que la licence évolue avec son temps, de plus que le jeu a été développé par les petits gars de chez Platinium Games, responsables entre autre de petits bijoux de gameplay comme Bayonetta ou encore Vanquish pour les plus fin connaisseurs. Enfin c’est ce que je croyais jusqu’à ce que mon cher camarade Choco me précise que le jeu fut en réalité développé par une équipe tierce de Platinium. Ça sent les égouts cette histoire…
L’écran titre est assez chargé, avec des prétextes de modes de jeu dans tous les sens (comprenez galeries, crédits, et.). Rarement un bon signe quand on s’attaque à un test. De même une voix off est présente pour commenter chacun de mes faits et gestes dans le menu, une manie qui a tendance a beaucoup se reproduire dans les jeux vidéo en ce moment, et qui peut rapidement devenir agaçante si elle est trop intrusive. Je vous laisse bien évidemment deviner ce qu’il en est ici, avec une voix de mec qui veut la jouer branchouille toutes les deux phrases…Ici on me conseille un petit détour par le didacticiel afin de me familiariser avec les touches. Chargement…
Et là, c’est le drame
Bon déjà graphiquement, c’est pas la joie. Le cell-shading pour les Tortues Ninja, je dis oui, mais encore faut il maîtriser cette technique. Surtout au vu des jeux actuels (par exemple Naruto Ultimate Ninja Storm 4, absolument magnifique), il y’a moyen de faire quelque chose de stylé niveau technique. Non là, on ne fait même pas le strict minimum. On a plus l’impression d’avoir à faire à un jeu PS2 pas vraiment maîtrisé.
C’est terne, c’est modélisé avec les genoux, et je ne vous parle pas de la profondeur de champ qui s’avère juste rachitique dans le mode histoire (nous reviendrons sur ce point un peu plus tard). Ici non seulement le design pèche, mais aussi la technique pure. Ne jamais juger un jeu par son écrin qu’ils disaient (on n’a jamais su qui d’ailleurs).
Je me lance donc dans la découverte de toute la palette de mouvements des tortues à travers le didacticiel, en essayant de me rassurer comme je peux. Et là on comprend rapidement une chose : les Tortues Ninja semblent avoir un peu abusé sur le mutagène pendant ces dernières années. Non pas qu’elles ne sont pas dégourdies, bien au contraire elles savent tout faire. Mais genre TOUT. Courir, double sauter, arpenter les murs comme sur du plat, planer, slider, faire des super attaque ninjutsu, et j’en passe.
Manquait plus que cracher du feu ou chier des éclairs, et on avait la panoplie complète du Super Héros Saiyajin gonflé aux stéroïdes. Ici on vous sert tout sur un plateau d’argent, à tel point qu’il ne semble même plus y avoir de contrainte purement physique à la progression des tortues. À côté, Assassin’s Creed ressemble à Dark Souls. On connaît leur agilité légendaire, mais là c’est bien trop permissif. On ne sent même pas le besoin d’une courbe de progression dans son perso, on a déjà tout tout de suite. Il existe cependant des jeux qui peuvent s’y prêter comme par exemple Just Cause ou encore Crackdown (sur la précédente génération de console), mais encore faut il proposer un délire ou une architecture qui s’y prête derrière. Là rien, nada. On a un level design fait avec les coudes, zéro challenge, et on se retrouve à piloter des engins de guerre sur pattes. C’est comme tout ces gars qui achètent une Ferrari pour rouler dans Paname. Aucun intérêt.
Mention spéciale pour les QTE (=Quick Time Event), consistants tous à rester appuyé sur une touche et à attendre. À croire que personne dans l’équipe de développement n’a jamais mis la main sur un Shenmue où Resident Evil 4. À ce stade, ce n’est plus une erreur de développement, mais une faute professionnelle.
On parle des phases de combats purs ? Un seul mot pour les caractériser : le bordel. On se croirait dans une baston d’Asterix. On ne voit rien, ça castagne dans tous les sens, ça locke et ca délocke les ennemis, toutes les tortues se battent avec frénésie et acrobaties, et rajoutez les effets visuels en bonus, et vous êtes bon pour une migraine et des séances chez l’orthoptiste. Dire qu’ils ont inclus un bouton esquive…La blague. Pour résumer : vous êtes Jet Li, mais vous jouez à Colin Mayar. Et le plus « drôle » dans tout cela, c’est qu’il n’y a même pas de mode multijoueur en local…
Enough du didacticiel, je veux voir ce qu’à le mode Histoire sous la carapace.
Bad Boys 4 life
Déjà avant même que cela ne commence, on a le droit à un nouvel aperçu du mauvais goût qui anime le jeu via sa bande son. Alors qu’on aurait légitimement été en droit d’attendre le thème du dessin animé originel, là on nous sert un genre de vieux sample rock moisi sorti des années 80, ringard au possible et d’une inspiration Francis Lalanesque.
Et que dire du doublage des tortues, si ce n’est que c’est du grand gâchis. En effet, on reconnait aisément certains doubleurs connus de la télévision ou du cinéma (par exemple Rocksteady est doublé par le doubleur officiel de Sylvester Stallone). Mais quand une mission est lancée, on choisit sa tortue et la première réplique qui sort c’est « place à la génialitude »… Le responsable de l’adaptation française mérite un Goncourt haut la main…
Vous avez remarqué à quel point je fais durer le suspense pour le mode Histoire ? Croyez moi, ce n’est pas pour vous inciter à lire davantage, mais surtout que je repousse l’échéance d’écrire sur cette partie à tel point c’est lacunaire, à tel point -excusez mon manque de tact passager – ÇA PUE LA MERDE.
Déjà le scénario, pas besoin de vous faire de longs discours, cette courte vidéo est là pour tout résumer. On nous ressert toutes les deux secondes le coup du Michelangelo qui trippe sur ses Pizza et fait des blagues à faire cauchemarder Laurent Ruquier. À tel point que le personnage probablement le plus populaire de l’équipe (c’était mon préféré jusque là) en devient insupportable. On a juste envie de le faire cuire dans une quatre fromages pour qu’il la ferme une bonne fois pour toute.
Je vais passer rapidement sur le déroulement des missions qui est toujours le même : vous errez dans un niveau à la manière d’un faux open world, pendant que la chère April O’Neill vous donne des consignes sur des taches -rébarbatives au possible- à accomplir avant d’aller affronter le boss final. Mais ne vous attendez pas voguer librement de buildings en buildings, ici il s’agit d’une cage à poule très mal camouflée. Un bien beau mensonge qui représente deux pâtés de maison maximum. Ici c’est la fête au mur invisible tous les 300 mètres. No respect pour les turtles sur ce coup encore.
Par contre c’est hyper thug dans la rue ! Il y des méchants partout, des Ninja, des mini krangs qui lâchent des pets nocifs, des camions de glace qui distribuent des mines, des braqueurs de distributeur de banque, et j’en passe. Vice CIty, c’est le Vatican à côté. Surtout que les tortues qui vous accompagnent dans la mission se chargent absolument de faire tout le ménage avant vous si vous n’êtes pas assez rapide. Du coup, on rush sur des ennemis en espérant pouvoir en dézinguer 2-3 avant que nos camarades ne leur règlent leur compte, et tout cela, en martelant sempiternellement les touches carré et triangle (X et Y sur Xbox One). Ne cherchez même pas à tenter des enchaînements et autres combos, c’est de la pure perte de temps et d’efficacité, surtout que vous n’arriverez que rarement à distinguer ce que fait réellement votre personnage dans ce grand foutoir. Vous pourrez également déclencher des attaques spéciales (à débloquer), mais de là à leur octroyer une véritable utilité…
Quant à l’intelligence artificielle des ennemis, elle est digne d’un chroniqueur NRJ12. Le mode furtif en est d’ailleurs la preuve la plus formelle, car on peut les approcher par derrière en courant, puis on leur passe dans le dos tranquille, ces derniers ayant un champ de vision de 3 degrés, et ne nous entendant pas courir. Ce jeu est plus triste que le Telethon… Et les attaques furtives se résument à un coup de schlass de forain dans le dos. De même, avec les lunettes T (cliquer sur R3), on voit à travers les murs ainsi que le positionnement des ennemis. Niveau challenge pour l’infiltration, on repassera. Cruel décidément.
ET pour finir en beauté, saupoudrez cette belle merde par des scènes aussi incongrues qu’hilarantes dues au bugs. Ainsi j’ai déjà pu assister à un désamorçage de bombe où les quatre tortues tapotaient sur un clavier imaginaire pour y procéder, ou encore les voir s’attaquer à un train en pleine circulation. Du grand n’importe quoi, une blague sans nom.
Pas besoin de se pencher davantage sur ce que j’appellerai un « childhood killer » (comprendre une briseur d’enfance) avec ce Tortues Ninja Mutants in Manhattan. Ici, on a clairement un produit avarié, simplement là pour délester de quelques deniers les nostalgiques et les plus jeunes qui redécouvrent la série (un nouveau film est attendu en salle prochainement). À oublier. Définitivement.
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