Test Hell is Us : l’art de respecter les joueurs

Test Hell is Us : l’art de respecter les joueurs

Hell is Us… Voilà bien un jeu que j’ai surveillé de très près depuis son annonce en 2022. Pas de carte, pas de marqueurs, pas de boussole magique, suivez votre instinct. À l’heure où les jeux vidéo se soucient en permanence du confort des joueurs pour progresser dans une aventure, Hell is Us choisit le pari d’aller à contre-courant en adoptant ce qui se faisait il y a de (trop) nombreuses années : construire un univers à part entière, penser un système de combat, penser des énigmes avec uniquement des indices et rien de plus… penser un jeu comme on pouvait les faire à une autre époque tout en y incluant des éléments modernes de gameplay. Inutile de tourner autour du pot : le résultat est brillant, et ce, malgré des débuts catastrophiques me concernant. Test Hell is Us réalisé à partir d’une version éditeur. 

 

Une promesse pas tout à fait exacte

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Un petit air d’Alan Wake sur le lancement du jeu. Le reste n’a rien à avoir avec la production de Remedy.

 

Parlons de la chose qui m’a vraiment fâché en lançant Hell is Us : la promesse d’un jeu sans aucun indicateur. C’était l’argument numéro un de Rogue Factor, celui qui m’avait fait saliver dès l’annonce en 2022. Vous savez, cette idée folle qu’un studio ose balancer en pleine ère des quêtes FedEx et des cartes Google Maps intégrées aux jeux vidéo : « Allez-y, débrouillez-vous avec vos yeux et vos oreilles ». Pour moi, c’était une déclaration d’amour aux années 90, à ces titres qui vous jetaient dans un monde sans vous tendre la main. Pas de mini-carte, pas de flèche jaune fluo, pas de PNJ qui répète trois fois la solution lourdement. Bref, une promesse que j’ai vraiment pris au pied de la lettre.

Sauf que voilà, manette en main, la douche froide est arrivée plus vite que prévu. Les objets que l’on peut ramasser, les leviers, les mécanismes, les portes interactives… tout est affiché en surbrillance. Alors certes, ce n’est pas un néon qui clignote façon GTA Vice City dans une boîte de nuit et visible à 50 mètres, mais quand même. La promesse « zéro indication » s’effondrait déjà devant mes yeux. Car j’attendais un monde vraiment brut, où chaque pierre soulevée, chaque détail de décor pouvait être une piste, sans qu’un indicateur ne vienne parasiter mon immersion. Et là, paf : des surlignages qui m’ont sorti du rêve.

 

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Vous croiserez de nombreux personnages en détresse dans un contexte de guerre civil particulièrement cruel

 

À cela s’ajoute un « petit » tutoriel. Comme si Rogue Factor n’avait pas osé aller au bout de son concept de base. Je vous avoue que j’ai eu un réflexe immédiat : ouvrir les options et le désactiver. Parce qu’autant être clair, j’aurais préféré que le jeu ne me dise absolument RIEN. Pas même sur quelle touche appuyer pour attaquer / progresser. Après tout, si dans les années 90 nous étions capables de découvrir par nous-mêmes comment avancer dans Super Castlevania IV ou dans Landstalker sur Megadrive sans qu’on nous fasse un PowerPoint de chaque action possible, pourquoi ne pas tenter le même pari aujourd’hui ? Bon ok, on avait des « notices » à l’époque, c’est vrai…sauf quand on chopait le jeu d’occasion.

Mon humeur est donc rapidement passée de l’excitation à la déception. J’avais le visage fermé, comme quand on lance un jeu que l’on attendait depuis des lustres et qu’on a un horrible présentiment. J’étais persuadé que j’allais me retrouver face à une énième aventure ratée, vendue sur une promesse marketing mais incapable de l’assumer jusqu’au bout. Je me suis même dit : « Voilà, encore un jeu qui se prend pour un héritier des Souls mais qui n’a pas le courage de lâcher vraiment son joueur ». Je ne me suis jamais autant trompé de toute ma vie

 

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Hell is Us se découpe en monde « semi-ouvert » sur plusieurs zones à explorer

 

J’avais en réalité tout faux sur toute la ligne. Car si oui, les objets brillent et les portes s’illuminent quand elles peuvent être franchies, si oui un « petit » tutoriel existe bel et bien, le reste de l’aventure prend rapidement un virage qui m’a fait revoir rapidement après 5 heures mon jugement. D’ailleurs, il est important de préciser que tout le HUD peut être désactivé. Ce fut mon choix dès la première heure. Quand on enlève chaque élément de confort visuel, je trouve que Hell is Us devient nettement plus immersif.

Autre point intéressant : on peut croiser (rarement) des cartes « dessinées à la main », éparpillées dans certaines zones. Deux d’entre elles m’ont marqué :  elles esquissent l’agencement d’une région / zone notamment. Mais là encore, j’ai refusé de m’en servir. Non pas par snobisme, mais parce que j’avais envie de respecter l’esprit du jeu, de faire confiance à mes sens plutôt qu’à une feuille griffonnée, de me balader et d’imprimer visuellement les environnements.

Pas d’inquiétude, ces petites cartes sont loin d’être précises et à l’échelle pour vous orienter. Non, pour cela, il faudra sortir la boussole pour vous repérer et aller dans la bonne direction. Dans les faits, Hell is Us tient donc bien sa promesse : on avance à l’instinct, selon son libre arbitre, dans l’ordre de son choix, selon ses intentions et non parce que les développeurs nous ont laissé des petits cailloux comme le petit poucet pour nous guider grossièrement d’objectifs en objectifs. A vous de retenir ce que vous observez pour faire le lien par la suite avec les objets ou éléments que vous trouverez. Immersion totale garantie.

 

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Et un mystère résolu, et un ! 

 

C’est à ce moment-là que j’ai compris que la promesse de Rogue Factor était tenue en grande partie. Certes, les surbrillances cassent un peu le mythe du « zéro indication », mais le jeu vous laisse totalement seul sans aucune aide en dehors de l’histoire, des personnages et des objets pouvant vous orienter. Vous avez la liberté de choisir comment et quand progresser.

Pas de marqueurs pour avancer : c’est vrai. Pas de carte ou de boussole magique : c’est vrai également. Cela dit, je pense que Rogue Factor aurait pu pousser l’idée en allant au bout sans donner la moindre indication, tant au niveau des commandes que des objets. Pourquoi pas dans une suite en réalisant un gros travail sur le design ?

Au final, Hell is Us n’a donc pas eu le culot légendaire de proposer une aventure 100 % sans filet, mais il vous lâche suffisamment à 90 % dans la nature par la suite avec un challenge à relever dans un univers magistral. Et là, on tombe sur du très très lourd les amis.

 

Test Hell is Us : un univers et une thématique fascinante

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L’ambiance durant l’exploration est particulièrement réussie

 

Impossible de passer à côté de l’ambiance générale de Hell is Us. Ce n’est pas seulement un jeu d’action-aventure : c’est une plongée dans une époque et un univers où chaque pierre, chaque document et chaque murmure de PNJ porte un poids symbolique.

Ici, la thématique centrale se déploie avec une rare maîtrise : la guerre civile, la guerre de religion, et plus largement la nature humaine dans ce qu’elle a de plus sombre. Le tout dans un univers d’Hadéa complètement fictif et maîtrisé de A à Z. On est constamment confronté à plusieurs points de vue, à des traces d’horreurs passées, à des marques de conflits dont on sent les répercussions jusque dans les détails les plus subtils du décor.

Contrairement à la majorité des productions modernes, l’histoire ne se consomme pas par une avalanche de cinématiques hollywoodiennes. Elle se construit petit à petit, par fragments. Quelques cinématiques viennent poser des jalons narratifs, certes, mais le gros du récit, vous allez le chercher vous-même : en discutant avec des PNJ parfois avares en paroles mais lourds de sous-entendus, en lisant des documents trouvés au hasard d’une fouille méticuleuse, ou encore en observant des éléments de décor qui paraissent banals mais se révèlent porteurs de sens une fois replacés dans le puzzle global. C’est une narration par couches successives qui rappelle évidemment le savoir-faire de From Software, mais avec un ton qui parvient à se distinguer.

 

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Certains dialogues font écho à certaines situations actuelles de notre époque

 

Et c’est là le tour de force : Hell is Us va plus loin que l’école Souls dans l’approche narrative. Là où un Dark Souls ou un Elden Ring vous balance des miettes cryptiques et vous demande un effort colossal pour relier les points, le titre de Rogue Factor conserve une part de mystère mais parvient à offrir une histoire limpide pour qui prend le temps de réfléchir et d’assembler les indices. Plus on avance, plus on comprend les enjeux, et dans les dernières heures, toutes les pièces s’emboîtent avec une fluidité remarquable. C’est un récit dense, cohérent, qui donne une saveur unique à la progression.

Ce qui frappe surtout, c’est la qualité d’écriture. Pas une ligne qui sonne faux, pas une maladresse, pas de lourdeur. Les textes sont clairs, justes, parfois poétiques, parfois glaçants. On ne lit pas des logs génériques comme on en trouve à la pelle dans certains RPG, mais de véritables extraits de vies, des témoignages, des fragments de mémoire qui rendent l’univers palpable. Cette maîtrise du verbe est si rare aujourd’hui que je rêverais sincèrement que ce scénario passe un jour entre les mains d’un Christopher Nolan. Avec son talent pour la mise en scène, il pourrait transformer cette matière brute en chef-d’œuvre cinématographique. Mais même sans lui, le jeu se suffit déjà à lui-même, tant la richesse narrative est déjà impressionnante. Une piqûre de rappel que le média du jeu vidéo peut lui aussi traiter de sujets de société avec brio.

 

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Parler aux PNJ est indispensable pour comprendre le jeu, ses tenants et aboutissants

 

Autre point marquant : les quêtes. Ici, pas de remplissage artificiel, pas de missions FedEx où l’on transporte trois pommes de village en village. Chaque quête est pensée, intégrée dans l’univers, et reliée au gameplay comme au scénario. Elles ne sont pas là pour allonger artificiellement la durée de vie mais pour enrichir l’expérience, approfondir la compréhension du monde. Qu’il s’agisse d’explorer un lieu mystérieux, de résoudre une énigme environnementale ou de comprendre la motivation d’un PNJ, tout est construit pour que vous ayez la sensation d’accomplir quelque chose de pertinent.

 

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L’ON dans le jeu fait bien entendu référence aux casques bleus de l’ONU. Le jeu puise son inspiration dans des conflits de notre époque et des guerres de religion du passé. 

 

Et le plus beau, c’est que je les ai presque toutes faites. 98 % complété, il me reste deux mystères qui continuent de me hanter, deux quêtes que je n’ai pas encore résolues et qui occupent encore mon esprit quand j’éteins la console. Preuve de l’efficacité du jeu : il me pousse à réfléchir en dehors de l’écran. À l’heure où j’écris ces lignes, mon compteur de jeu (terminé) affiche déjà plus de 71 heures, et je sais que je pourrais facilement replonger pour en gratter encore quelques-unes.

 

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Ces ordinateurs des années 90. Vous en croiserez pas mal durant l’aventure. 

 

Évidemment, si vous foncez tête baissée vers la fin, vous pouvez finir Hell is Us en 30 heures environ. Mais ce serait, selon moi, une erreur monumentale. Ce n’est pas un jeu qui se consomme vite, mais un univers dans lequel il faut se perdre, comme dans les grands classiques du RPG ou de l’aventure. C’est un monde qui mérite d’être exploré, fouillé, analysé, un monde où la patience et la curiosité sont récompensées. Et où la réflexion est de mise lors de la lecture des textes.

L’univers de Hell is Us n’est pas qu’un simple décor : c’est un véritable personnage à part entière. Et c’est cette densité thématique, cette écriture ciselée et cette cohérence de bout en bout qui en font une expérience fascinante.

 

Un gameplay magistral qui respecte le joueur

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Le gameplay de Hell is Us est varié et très bien rythmé

 

La deuxième grande force de Hell is Us, c’est sans aucun doute son gameplay. J’ai pu lire à droite et à gauche que le titre serait un énième Souls-like. Permettez moi de mettre les choses au clair : non, mille fois non. Certes, le jeu reprend quelques mécaniques qui rappellent l’école de From Software : une barre d’endurance qui conditionne vos actions, et un système de récupération inspiré du fameux KI de Nioh, qui consiste à retrouver un rythme pour relancer la dynamique du combat. Mais au-delà de ces similitudes, Hell is Us s’émancipe très vite pour offrir sa propre identité, un système taillé sur mesure pour son univers et sa narration.

 

Une petite inspiration du côté de Resident Evil (les classiques) avec parfois des clefs à trouver

 

Les combats reposent sur un subtil mélange entre gestion des ressources et choix tactiques. L’évolution de vos armes ne se limite pas à une simple montée en puissance chiffrée. On parle ici d’un level-up intelligent, où chaque amélioration a un vrai impact sur votre manière de jouer. À cela s’ajoute la possibilité de personnaliser votre approche grâce à des classes d’armes émotionnelles :  Neutre, Tristesse, Rage, Extase et Terreur. Rien que ces intitulés montrent bien l’originalité de la démarche : on ne choisit pas seulement une spécialisation en force ou en magie, on choisit un état d’esprit, une manière d’aborder le combat et l’univers d’Hadéa.

 

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Je dois vous avouer que j’ai mangé la pression en tournant la caméra vers la gauche

 

Et c’est là que le jeu brille vraiment : ces mécaniques ne sont pas un simple vernis de gameplay. Elles sont intrinsèquement liées au scénario. Ce n’est pas un système plaqué artificiellement sur le reste, mais une logique profonde qui s’inscrit dans la thématique du jeu. En termes de ressenti manette en main, les combats sont exigeants sans être injustes. On retrouve cette frustration saine, celle qui pousse à analyser les patterns ennemis, à réfléchir à son placement, à comprendre quand frapper et quand reculer.

 

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Quelques exécutions classes sont de la partie. 

 

Le bestiaire, en revanche, pourrait sembler limité au premier abord. Peu de variétés dans les créatures rencontrées, des archétypes qui reviennent, et parfois un sentiment de redondance. Mais étrangement, ce manque devient presque une qualité. Car au lieu de disperser son énergie dans cinquante monstres différents, le jeu se concentre sur une poignée d’adversaires cohérents avec sa thématique. Chaque créature a un sens, une raison d’exister dans cet univers, et leur répétition finit par renforcer le sentiment d’oppression et de désolation qui plane sur Hadéa, surtout quand on apprend leur origine. C’est une rare exception où la pauvreté de diversité ne nuit pas à l’expérience, mais l’accentue.

 

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On est amené à traverser des décors variés durant l’aventure mine de rien

 

L’autre force de Hell is Us, c’est sa capacité à changer de rythme et de rôle. Tantôt aventurier explorant des ruines mystérieuses, tantôt guerrier affrontant des horreurs dans des combats acharnés, tantôt détective reconstituant des fragments de vérité à travers l’observation et la déduction. Cette multiplicité d’approches donne au gameplay une richesse qui dépasse le simple système de combat. C’est ce mélange qui m’a empêché de ressentir la moindre lassitude durant toute l’aventure.

 

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Chaque arme peut être équipée de 3 glyphes vous permettant de lancer des attaques spéciales (indispensables pour la bonne progression). Votre drone peut aussi être personnalisé pour les combats

 

Le gameplay de Hell is Us ne cherche donc pas à copier qui que ce soit. Il pioche quelques bonnes idées, certes, mais les tord, les adapte et les intègre à un univers unique. C’est un gameplay qui respecte le joueur, qui exige de lui de l’attention et de la réflexion, mais qui en retour lui offre la satisfaction immense d’avoir triomphé par sa propre intelligence et non par un excès d’assistanat.

 

Test Hell is Us : des influences multiples pour un résultat exceptionnel

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Le décor n’est pas là que pour faire jolie, il vous raconte aussi une (sombre) histoire

 

Hell is Us, c’est un vrai patchwork vidéoludique, un mélange des genres qui pourrait sembler improbable mais qui fonctionne étonnamment bien. On y retrouve un brin de Souls dans les combats, avec cette exigence qui vous oblige à observer les patterns ennemis et à gérer vos ressources avec précision. On y croise aussi une touche de Deus Ex, notamment dans la façon dont les dialogues et certains choix narratifs influencent la perception que vous avez du monde et de ses habitants. Et puis, il y a ce parfum très particulier des Chevaliers de Baphomet : l’importance donnée à l’observation, à la réflexion, à cette capacité de regarder autour de soi pour comprendre ce qui se cache derrière un détail du décor.

 

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Le genre de questions que je n’ai pas arrêté de me poser durant l’aventure. Vous trouverez parfois des enregistrement audio qui vous en apprendront davantage sur l’univers du jeu et les histoires secondaires. 

 

Mais ce qui rend l’expérience unique, c’est que ces influences ne sont jamais plaquées artificiellement. Elles s’entremêlent pour créer une mécanique globale où l’observation est la clé. Pas d’objectifs lumineux qui apparaissent sur la carte, pas de boussole magique qui vous indique la prochaine étape. Ici, vous êtes seul avec vos sens. Vous devez lire, réfléchir, recouper les informations que vous trouvez dans les dialogues, dans les documents, ou dans l’architecture même des lieux que vous traversez. Le jeu vous invite constamment à faire confiance à votre intelligence plutôt qu’à des marqueurs visuels.

 

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Un petit moment de répits au milieu de décors apocalyptiques

 

Et c’est sans doute ce qui m’a le plus marqué : pour la première fois depuis des années, j’ai ressenti le besoin de ressortir un bloc-notes papier (pour résoudre une énigme en particulier). Oui, comme à l’époque de Myst, ou encore de Zelda A Link to the Past où l’on dessinait les donjons à la main pour ne pas se perdre. Et je vous assure que ce simple geste a changé toute mon expérience : j’avais la sensation de redevenir un joueur des années 90, celui qui ne pouvait compter que sur lui-même et sur ses observations.

 

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Et une énigme de plus à résoudre ! 

 

Les énigmes ne sont jamais données sur un plateau et sont donc loin d’être insurmontable à condition de faire travailler (un minimum) sa tête. Les indices peuvent être planqués partout : dans un tableau accroché au mur, dans une ligne de dialogue qui paraît anodine, dans un objet dont la description recèle un détail crucial. Et ce qui est formidable, c’est que le jeu n’appuie jamais lourdement dessus. Pas de gros zoom, pas de PNJ qui vous répète trois fois la solution comme si vous aviez la mémoire d’un poisson rouge. Si vous ne faites pas attention, vous pouvez passer à côté… mais si vous prenez le temps d’analyser, la récompense est au rendez-vous systématiquement.

 

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Explorer les recoins d’Hadea vous permettra de débloquer des reliques / objets qui vous faciliteront la tâche dans les combats

 

Ce respect du joueur, cette confiance accordée à son intelligence, c’est exactement ce que j’attendais d’un jeu moderne capable d’assumer son héritage rétro. Il m’est arrivé de bloquer pendant plusieurs heures sur une énigme, de tourner en rond, de douter… et puis, en reprenant mes notes le lendemain, la solution m’est apparue comme une évidence. Ce genre de moment, c’est de l’or pur en termes d’expérience vidéoludique. C’est ce qui distingue un jeu qui vous distrait d’un jeu qui vous marque.

 

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Les quelques cut-scenes sont très bien réalisées et écrites. J’ai cependant eu du mal avec le faciès du personnage principal, que j’ai fini par accepter. 

 

Alors oui, si je dois chipoter, j’aurais aimé que la fin propose un challenge un peu plus corsé. L’ultime énigme et le dernier affrontement auraient pu pousser encore davantage les limites de l’observation et de la réflexion. Mais sincèrement, ce n’est qu’un détail dans une aventure où j’ai passé plus de 70 heures à explorer, analyser, noter et comprendre. Soixante-dix heures que je ne suis pas près d’oublier.

Et si l’expérience a été aussi marquante, c’est aussi grâce à une ambiance sonore et musicale d’un niveau exceptionnel. Chaque thème, chaque effet sonore, chaque silence même, a contribué à renforcer cette immersion totale dans l’univers d’Hadéa. C’est la cerise sur le gâteau d’une alchimie déjà brillante, où chaque influence vidéoludique est digérée pour donner naissance à quelque chose d’unique.

Test Hell is Us : une ambiance sonore de haute volée

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L’ambiance sonore accompagne parfaitement l’exploration

 

La première surprise en lançant Hell is Us a été de constater à quel point la version française est réussie. Et croyez-moi, j’ai l’oreille sensible sur ce point : combien de jeux aujourd’hui se contentent d’un doublage plat, récité sans conviction, qui vous sort immédiatement de l’immersion ? Ici, c’est tout l’inverse. Chaque ligne de dialogue est prononcée avec une justesse remarquable. Les intonations sont naturelles, crédibles, et surtout parfaitement en phase avec la gravité de l’univers que vous traversez. Petit bémol cependant sur 1 ou 2 bugs sonores constatés près de chutes d’eau dans un donjon (avec le casque sur les oreilles, c’est nettement plus flagrant on va dire de déceler ce genre d’imperfections).

 

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Votre tablette vous permettra de revenir sur les personnages rencontrés pour les resituer dans votre aventure. Simple, efficace, bien pensée et intégrée dans le scénario, elle ne vient pas comme un cheveux sur la soupe. 

 

Cependant, sur le reste, rien à signaler. Quand un PNJ vous raconte un drame personnel, vous sentez la douleur dans sa voix. Quand un autre se montre méfiant ou manipulateur, vous percevez cette tension subtile qui suffit à éveiller la méfiance. C’est ce genre de détail qui donne vie au monde, et qui fait que vous avez envie d’écouter chaque mot au lieu de zapper les dialogues pour retourner au gameplay.

 

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Une petite énigme pas bien méchante en y réfléchissant tout simplement

 

La bande originale, quant à elle, est un autre pilier de cette réussite. Elle s’inscrit dans une ambiance volontairement marquée par les années 90, puisque l’histoire prend place à cette époque. On retrouve des nappes sonores légèrement électroniques, des mélodies inquiétantes aux tonalités froides, et parfois des morceaux plus discrets qui rappellent les thrillers et films fantastiques de l’époque. À plusieurs reprises, j’ai eu l’impression de basculer dans un épisode de X-Files. Pas seulement à cause des sonorités étranges ou des chœurs lancinants, mais parce que la musique parvient à recréer cette atmosphère à la fois réaliste et surnaturelle, où chaque détail sonore peut vous mettre mal à l’aise.

 

 

La bande-son n’est pas seulement un accompagnement : elle est un véritable moteur de gameplay. À plusieurs reprises, je me suis surpris à prolonger une enquête ou à continuer à explorer une zone juste pour rester plongé dans l’ambiance musicale. Certaines mélodies possèdent ce pouvoir étrange de vous hypnotiser, comme si elles vous soufflaient à l’oreille : « Tu n’as pas encore tout vu, cherche un peu plus loin ». C’est rare qu’une musique de jeu parvienne à influencer mon envie de jouer, mais Hell is Us réussit ce tour de force.

Enfin, il faut saluer le mélange entre les sons diégétiques et les compositions originales. Quand un document est trouvé / lu, quand une porte s’ouvre ou qu’un objet chute, le mixage sonore est d’une précision chirurgicale. Rien ne semble en trop, rien ne parasite l’écoute. Tout est calibré pour renforcer l’immersion et rappeler que vous évoluez dans un monde crédible.

 

Test Hell is Us : une direction artistique marquante

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En rédigeant ce test et en cherchant une description pour ce screenshot, j’ai eu une idée pour résoudre l’un des deux mystères évoqués plus haut, véridique.

 

Ne vous attendez pas à un jeu qui vous cloue au sol graphiquement. Hell is Us n’a jamais prétendu être une vitrine technologique, et cela se ressent dès les premières minutes. Le jeu reste un AA assumé, et il ne cherche pas à rivaliser avec les mastodontes du marché en termes de rendu photoréaliste. Cela se voit, parfois de façon un peu trop évidente. Les textures manquent de détails par endroits, certains environnements paraissent un peu vides, et les intérieurs n’ont pas le raffinement que l’on retrouve dans des productions plus massives. Pourtant, et c’est là que le jeu surprend, cette modestie technique ne l’empêche jamais de dégager une direction artistique remarquable.

 

 

Chaque zone semble avoir été pensée pour raconter une histoire. Les paysages, bien que parfois recyclés, respirent la cohérence et l’intention artistique. Les couleurs, les contrastes, les lumières : tout concourt à créer une ambiance qui colle parfaitement à la thématique générale du jeu. Dans certaines régions, une simple variation de la lumière du ciel suffit à renforcer un sentiment d’angoisse ou de solitude. Dans d’autres, des ruines éparpillées, à moitié avalées par la végétation, donnent la sensation que la nature reprend ses droits après les horreurs de la guerre. Même quand les décors ne sont pas techniquement impressionnants, ils sont toujours chargés de sens.

 

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La cassette trouvée explique ici le crash de l’hélicoptère par exemple

 

Le véritable bémol vient surtout de la technique. Durant mon test Hell is Us, j’ai pu noter du popping d’arbres assez flagrant, des éléments de décor qui apparaissent au dernier moment, des chutes de framerate surprenantes pour un jeu de ce calibre, un crash, et même quelques bugs de collision qui rappellent les périodes de développement compliquées. Et le plus frustrant, c’est que cela survient dès la première zone, qui est paradoxalement celle où l’optimisation semble la plus bancale. Sur PS5, ce genre de problème a du mal à passer, surtout quand on a pris l’habitude de fluidité constante sur d’autres productions, sans aucun temps de chargement.

 

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Techniquement, le jeu n’est pas moche. Il reste cependant bien en dessous des grosses productions mais qu’importe. Je préfère mille fois jouer à un titre comme Hell is Us qu’à un jeu sublime mais vide de sens. 

 

Mais soyons clairs : ces défauts n’entachent pas l’expérience globale. Car Hell is Us n’a jamais misé sur la prouesse technique, mais sur son univers et sa capacité à immerger le joueur dans une réflexion profonde. On ne joue pas à Hell is Us pour admirer le dernier effet de particules, mais pour se confronter à un monde où chaque détail raconte quelque chose. Là où un AAA spectaculaire peut impressionner l’œil mais s’oublier rapidement, Hell is Us imprime dans l’esprit par sa cohérence visuelle et son ambiance.

En fin de compte, la technique est parfois chancelante, mais la direction artistique transcende les limites matérielles. Et c’est pour cela que, malgré ses faiblesses graphiques, l’univers de Hell is Us marque durablement. Parce qu’il ose privilégier la cohérence et le sens à la performance brute.

Conclusion Test Hell is Us

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J’ai longtemps hésité avant de poser ma note finale. Le démarrage de Hell is Us n’a pas été tendre avec moi : mes attentes de puriste, nourries par la promesse d’une aventure à 100 % sans aucune indication, se sont effondrées dès les premières minutes. J’ai pesté contre les surbrillances, j’ai râlé face au tutoriel, j’ai eu cette impression d’avoir été trompé sur la marchandise, à deux doigts de crier à l’arnaque même….

Mais plus j’avançais, plus je me rendais compte que je faisais fausse route, que je me trompais lourdement. Derrière ces accrocs initiaux, il y avait une œuvre pensée avec une cohérence rare, un jeu qui osait respecter son joueur et qui ne lui servait pas du tout du prémâché.Et c’est là toute la force de Hell is Us. C’est un titre qui ne flatte pas l’impatience, qui ne cède pas à la tentation du confort permanent, mais qui ose vous mettre face à vos propres limites d’observation et de réflexion.

Quand un jeu vidéo vous suit jusque dans vos rêves, quand vous vous couchez en repensant à une énigme, que la solution vous frappe le lendemain matin en buvant votre café ou assis sur le trône, alors oui : on peut parler de grande réussite. Peu de jeux récents parviennent à générer ce genre de moments suspendus, où l’expérience dépasse la simple session de jeu pour se transformer en obsession douce.

Je pense sincèrement que Hell is Us devrait être vu comme un modèle à suivre. Non pas comme un modèle technique, il est loin d’être parfait de ce côté-là, mais un modèle de philosophie de Game design. Un jeu qui ose miser sur l’intelligence du joueur, qui réhabilite le plaisir de chercher et de comprendre par soi-même. Et surtout, un jeu qui vous laisse des souvenirs durables, pas parce qu’il vous a impressionné visuellement, mais parce qu’il a su vous faire réfléchir et vibrer en trouvant la solution.

Alors oui, malgré ses défauts, malgré ses maladresses techniques et ses promesses pas totalement tenues (en tout cas ce que j’en avais compris sans trop me renseigner avant de lancer le titre), Hell is Us est un titre mémorable. Une œuvre marquante qui rappelle que le jeu vidéo peut encore surprendre et offrir des expériences différentes. Rogue Factor a pris un risque, et il en sort grandi. Je voulais particulièrement saluer cette démarche au milieu d’une industrie vidéoludique qui se perd de plus en plus au milieu de remake, remaster, et clones de triple AAA sans saveurs.

Ma note après 4700 mots pour conclure ce test Hell is Us ? 19/20. Parce qu’au-delà des chiffres et des barèmes, Hell is Us s’est taillé une place particulière dans mon cœur de joueur. Et il s’est déjà assuré une position très haute dans mon classement GOTY 2025. Une aventure inoubliable, que je suis simplement heureux d’avoir vécu et que je ne suis pas prêt d’oublier.

 

Test Hell is Us : l’art de respecter les joueurs
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Test Hell is Us : l’art de respecter les joueurs
Les plus
  • Univers passionnant
  • Des énigmes à n'en plus finir
  • La liberté totale dans la progression
  • Des quêtes passionnantes
  • Scénario qui pousse à la réflexion
  • Le challenge dans certaines énigmes
  • Ambiance sonore parfaite
  • Doublage français excellent
Les moins
  • Techniquement perfectible
  • Quelques bugs de collision
  • La promesse de base inexacte
  • Le bestiaire peu varié (à nuancer)
  • Pas d'édition collector, un crime
Graphismes 15
Gameplay 20
Son 19
Durée de vie 19
Rapport qualité/prix 19
Scénario 18

Meilleur bon plan

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