Cela faisait un bon moment que j’attendais un nouvel opus de la franchise Mafia. Je ne vais pas vous mentir : je fais partie des joueurs qui préfèrent Mafia à GTA pour une raison simple : le scénario et l’ambiance uniques que la saga a toujours su proposer. Dès l’annonce de Mafia The Old Country, j’ai relancé un marathon complet de la série : un Mafia 1 Definitive Edition d’excellente facture, un Mafia 2 toujours aussi marquant mais visuellement daté, et un Mafia 3 que j’avais mis de côté mais qui, finalement, m’a offert un moment agréable. Autant dire que je me suis attaqué à ce nouvel épisode avec l’univers bien en tête. Et je peux vous le dire dès maintenant : je n’ai pas été déçu. Test Mafia The Old Country réalisé à partir d’une version commerciale.
Une parenthèse dans la chronologie de la saga
Début 20ème siècle, les transformations profondes des sociétés se poursuivent…le « progrès » est en marche
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut situer Mafia The Old Country dans la chronologie globale de la série. Ce nouvel opus se déroule bien avant les événements des autres Mafia, au début du XXe siècle. On est donc loin de l’Amérique des années 30 ou 40, encore plus loin de la période 60-70 explorée dans Mafia 3.
C’est une préhistoire du crime organisé que l’on découvre ici. Les bases de ce qui deviendra la mafia en Amérique se mettent en place sur les terres d’origine, en Sicile. La transition entre une société figée dans ses traditions et l’irruption du progrès est au cœur de l’intrigue. C’est cette période charnière qui donne au jeu son identité unique et son ton si particulier, surtout dans les dernières heures de jeu. Le décor est placé.
La Sicile du début du XXe siècle : un décor et un contexte uniques
Ne vous fiez pas à cet air paradisiaque, ce qui se trame en coulisse est bien plus dangereux qu’il n’y paraît
Le choix de situer l’action dans la Sicile de 1910 n’est pas anodin. À cette époque, l’île vit un moment charnière de son histoire. L’Italie unifiée est encore jeune, et la Sicile, longtemps marginalisée, reste une terre de fortes traditions rurales. Les structures sociales sont rigides : l’Église joue un rôle central dans la vie quotidienne, la famille est le noyau de toute décision, et les codes d’honneur sont aussi importants que les lois écrites.
Mais dans l’ombre, une autre force gagne en influence : les premières organisations criminelles structurées. Ces groupes se nourrissent des failles d’un système politique corrompu et d’une justice souvent inefficace. Le jeu retranscrit bien cette dualité : les mêmes ruelles où passent les processions religieuses peuvent, à la nuit tombée, devenir le théâtre de règlements de comptes.
Cette époque est aussi marquée par l’arrivée des premières automobiles, qui viennent concurrencer les chevaux. Ce simple détail se retrouve dans le gameplay et les dialogues, illustrant le tiraillement entre passé et modernité. Et c’est dans ce contexte que votre personnage, Enzo, doit évoluer, faisant ses choix entre fidélité aux anciens codes et adaptation aux nouvelles règles du jeu.
Test Mafia The Old Country : bienvenue en Sicile
On ressent toute l’Italie et ses terrasses en soirée, une autre époque, un autre monde
Le jeu vous plonge dans un décor radicalement différent des épisodes précédents. Fini les grandes villes américaines grouillantes. Ici, place à la campagne sicilienne, avec ses villages de pierre, ses champs, ses collines, et une atmosphère imprégnée de religion et de codes d’honneur.
Vous incarnez Enzo Favara dit le « Carusu », un jeune homme au destin bouleversé. Propulsé dans un monde où l’honneur et la loyauté peuvent aussi bien vous sauver que vous condamner, il va devoir naviguer entre alliances fragiles et trahisons. L’histoire est servie par une galerie de personnages marquants : un père partagé entre foi et vengeance, un prêtre au discours ambigu, une élite locale aussi respectable en façade que corrompue en coulisse.
Bien que l’aventure débute lentement, elle parvient à trouver son rythme avec brio par la suite. Le tout grâce à des dialogues qui font souvent mouches et qui parviennent à nous happer de bout en bout.
Les intérieurs sont remarquables. Un soin particulier est apporté au détail (murs, sol, plafond, humidité…). Un gros boulot.
L’ambiance est donc l’un des points forts immédiats du jeu. Dès les premières minutes, le travail sonore vous enveloppe. On sent que chaque son a été pensé pour immerger le joueur dans l’époque (je reviens sur la bande-son dans un point totalement à part de ce test, c’est dire). Et cette immersion sonore et visuelle mérite qu’on s’attarde sur la technique qui la soutient.
Test Mafia The Old Country : des graphismes modernes tout « Signore »
Certains panoramas calment. On pose la manette et on admire quelques instants la carte postale. Les screenshots ne rendent pas aussi bien que le jeu qui tourne sur un écran OLED.
J’ai choisi de jouer en mode qualité plutôt qu’en mode performance, ce que je fais rarement. Mais dans ce cas, c’était le bon choix. Les paysages siciliens sont magnifiquement rendus : les textures, les jeux de lumière, les intérieurs décorés avec soin… Tout respire l’authenticité. Les maisons sont remplies de détails : vaisselle en porcelaine, icônes religieuses, meubles usés par le temps. On a presque l’impression que chaque lieu pourrait raconter sa propre histoire.
Bien sûr, tout n’est pas parfait : il y a un peu de popping sur certains éléments et la modélisation de quelques visages secondaires est moins réussie, notamment au niveau des cheveux. Mais ces défauts restent discrets et ne viennent pas gâcher l’immersion.
Cette attention au détail s’accompagne d’un autre choix important des développeurs : ne pas céder à la tentation du monde ouvert total. Et c’est un choix qui change beaucoup de choses dans l’expérience.
Un faux monde ouvert, assumé
Le choix des couleurs et de la flore, c’est quelque chose quand même. La faune est cela dit absente ou du moins, je ne l’ai pas remarqué.
La question a circulé avant la sortie : Mafia The Old Country est-il un monde ouvert ? La réponse est non, pas au sens où l’entendent les joueurs de GTA ou Assassin’s Creed. Vous ne pouvez pas lancer vos missions dans l’ordre que vous voulez ni passer des heures à multiplier les activités annexes.
Le jeu est structuré en chapitres avec, entre certaines missions, des moments d’exploration libre. On pourrait parler de monde semi-ouvert : vous pouvez chevaucher à travers la campagne, vous arrêter dans un village, mais il n’y a pas d’activités annexes en dehors de quelques collectibles. Ces objets cachés font parfois référence aux épisodes précédents, ce qui plaira aux fans.
Cette structure serrée permet au jeu de se concentrer sur l’essentiel : raconter une histoire forte, sans se disperser. Et c’est précisément là que Mafia The Old Country brille le plus.
Le cœur du jeu : l’histoire
La prestance de Don Torrisi…sans aucun doute le personnage le plus réussi dans toute la saga MAFIA.
C’est sans doute la raison principale pour laquelle on joue à un Mafia : le scénario. Celui-ci est particulièrement soigné. On sent une volonté de respecter les codes narratifs de la saga tout en explorant un terrain inédit.
Le récit prend son temps, installe ses personnages, montre leurs contradictions. Les tensions entre tradition et modernité sont palpables, que ce soit dans les dialogues ou dans les situations de jeu. Un trajet en calèche au milieu des champs peut être suivi, quelques minutes plus tard, par une discussion sur les mérites de l’automobile. Un échange poli à la messe peut se transformer en menace à peine voilée.
La modélisation des voitures de l’époque est sublime.
Les dialogues sont écrits avec soin, sans tomber dans le pastiche des grands films de mafia. La montée en puissance est maîtrisée : on commence dans une ambiance presque contemplative, avant de glisser vers des enjeux plus violents et plus politiques. Le final, intense, rappelle que Mafia sait conclure ses histoires avec force. Cet épisode laisse d’ailleurs une jolie porte ouverte pour la suite de la franchise avec bon nombre de théories qui devraient alimenter le web jusqu’au prochain opus.
Les doublages sont d’excellente qualité, en anglais, français et même sicilien. Ce dernier ajoute une touche d’authenticité rare dans un jeu vidéo. La VF est solide, malgré un petit défaut : certaines voix secondaires sont réutilisées plusieurs fois par des ennemis.
La bande-son : un personnage à part entière
Un cadavre, un gars qui allume sa clope à côté, un coucher de soleil en fond, pas de doutes, on est dans un MAFIA.
La musique occupe une place essentielle dans Mafia The Old Country. On est loin des radios variées des épisodes se déroulant aux États-Unis : ici, la bande-son se compose surtout de mélodies orchestrales, de chants traditionnels siciliens et de morceaux instrumentaux sombres qui soulignent la tension dramatique.
Les compositions accompagnent parfaitement l’évolution du récit : calmes et mélancoliques dans les moments de répit, plus intenses et percussives lors des séquences de tension. C’est une musique qui sert la narration, qui souligne l’émotion des dialogues et l’importance des choix.
Le design sonore ne se limite pas à la musique : le travail sur les bruitages est tout aussi réussi. On entend les sabots des chevaux résonner sur les pavés, le vent dans les oliveraies, ou encore la réverbération d’un coup de feu dans une ruelle étroite. Ces détails donnent au jeu une richesse sensorielle qui tente bien que mal, de nous faire oublier à quel point le gameplay est lui, anecdotique.
Un gameplay traditonnel…Carusu
Je recommande de passer le gameplay en simulation pour les courses. Un passage de gameplay plutôt réussi.
Sur ce point, il ne faut pas se faire d’illusions : le gameplay n’est pas la force du jeu. Les combats au pistolet sont corrects mais pas révolutionnaires, l’infiltration est basique et l’IA des ennemis laisse à désirer (bon, ok, elle est lamentable). Les déplacements peuvent paraître un peu rigides, et les animations montrent que l’on est sur un moteur qui n’a pas été pensé pour l’action ultra-moderne. De plus, certains ennemis sont carrément recyclés, comme à l’époque de la megadrive et de la SNES : le méchant avec son béret et son fusil à pompe qui vous fonce dessus, ou le tireur de sniper planqué au loin…Vraiment, on est à ras du sol en termes d’originalité.
Le système de combat au couteau est une nouveauté appréciable, surtout dans un contexte où les armes à feu sont rares. Mais il manque d’évolution au fil de l’histoire, ce qui le rend rapidement répétitif.
Un petit air d’Indiana Jones mine de rien.
Le contexte historique justifie (en partie) cette simplicité : en 1910, on ne croise pas d’armes automatiques dernier cri. On se bat avec un revolver, un fusil de chasse ou ses poings. Cela participe à l’immersion, mais réduit aussi les possibilités de gameplay. Les développeurs ont clairement privilégié la narration à l’expérimentation ludique. Mais un travail sur un gameplay plus original exploitant justement d’autres mécaniques en raison de ces contraintes aurait enrichi davantage l’expérience.
Pour ceux qui veulent un peu plus de challenge, désactiver l’ATH et certaines aides rend l’expérience plus tendue et immersive. Mais il faut donc accepter que ce jeu ne cherche pas à briller par ses mécaniques.
Conclusion du Test Mafia The Old Country
Mafia The Old Country est avant tout un récit maîtrisé dans un cadre historique riche. C’est un épisode qui choisit de revenir aux sources : moins de libertés superficielles, plus de concentration sur l’atmosphère et les personnages.
Si vous jouez à Mafia pour son ambiance et son écriture, vous trouverez ici l’un des meilleurs épisodes, peut-être le plus abouti sur ces points. Si en revanche vous cherchez un monde ouvert débordant d’activités ou un gameplay nerveux et moderne, passez votre chemin.
Et c’est là toute l’ironie de ce jeu : en optant pour un gameplay volontairement traditionnel, linéaire et presque “à l’ancienne”, les développeurs vous plongent, sans le dire, dans le même dilemme que les personnages. Entre préserver les codes d’hier ou embrasser pleinement la modernité, Mafia The Old Country prend parti… et vous oblige à ressentir ce choix. Je pense que l’expérience en devient plus cohérente encore, comme si la structure ludique faisait partie intégrante du discours narratif.
Pour ma part, ce voyage en Sicile restera comme l’un des plus beaux récits vidéoludiques que la saga ait proposés. Et même si le gameplay accuse son âge, le cœur, la cohérence et la force de l’univers en font un titre à découvrir. Mafia The Old Country n’est pas le plus mémorable des jeux d’action, mais c’est probablement le plus humain des Mafia, et celui qui assume le mieux ses convictions.
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